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À la Vieille Charité, sur la trace des « Objets Migrateurs »


Tête de Zeus-Ammon mélange de dieu grec et égyptien illustre la mixité culturelle. PHOTO RENATE KÜHLING


EXPOSITION

Un skyfos grec et un écoboat, un vase gaulois, une robe de Fortuny, une huile sur toile peinte par Giovanni Giacomo Sementi... À voir à Marseille jusqu’au 8 octobre, « Objets Migrateurs », tisse des liens entre les époques. Mêlant histoire et modernisme, on y découvre d’autres perspectives.


Rien n’est moins immobile qu’un objet », affirme Barbara Cassin, membre de l’Académie française et com- missaire générale de l’exposi- tion : « objets migrateurs ». Présentée par le musée Centre de la Vieille Charité et ouverte jusqu’au 8 octobre, la collec- tion a surtout une visée politi- que. Barbara Cassin, souhaite « dépassionner l’idée de migra- tion, et montrer comment les ob- jets migrateurs ont construit la civilisation qui est la nôtre. » La visite s’ouvre sur un sky- phos datant du IVe siècle avant J-C, une céramique à figure noire, provenant du Ashmolean Museum d’Oxford. Sur ce der- nier est dépeint Ulysse sur un radeau d’amphore. L’antique fait face au contemporain. Le hé- ros grec est mis en parallèle avec un « Écoboat ». Imaginée par Ismaël Essome cette petite barque, constituée de 600 bou- teilles plastiques recyclées


peut contenir jusque trois per- sonnes. Afin de garantir l’im- mersion, la découverte est ac- compagnée d’un fond musical arrangé par Jean-Marc Montera. Ainsi, on peut enten- dre dans la chapelle le chant des sirènes envoutant Ulysse. Si la première partie de la visite est centrée sur le concept de migration humaine, la deuxième aborde le moment délicat de l’installation.

Une migration perpetuelle

En levant les yeux dans la salle Allende, on peut lire : « de- mandedeRSA»,«CAF»,«Titre de séjours »... Ce plafond de pa- pier vise à montrer le poids des démarches administratives qui pèsent sur les migrants venant d’arriver en France. Au milieu de la pièce on peut également voir « un Lieu qui me Manque », un court-métrage réalisé en 2021, par Luc Thauvin en par- tenariat avec les élèves allopho- nes du lycée Saint-Charles. En empruntant les mots de l’au- teur Jean-Luc Lagarce, ils se souviennent d’un lieu, d’images ou de sensations relatives à leur pays natal. La première phrase dans leur langue maternelle, la suite dans un français hési- tant mais touchant. Toujours dans la salle Allende, Barbara Cassin aborde l’idée de mixité. Elle montre à travers les objets comment nous sommes arrivés aujourd’hui à une richesse culturelle qui tire ses origines de différentes croyances et histoires. « L’Urne de Saint Laurent » est consti- tuée d’un vase gaulois en céra- mique, auquel a été ajouté au fil des années, un couvercle en massaliète fabriqué par les Grecs de Marseille. Les techniques continuent d’évoluer encore aujourd’hui en fonction des nouveaux be- soins et des connaissances pro- pres à chaque civilisation. Dans la troisième salle, l’académi- cienne évoque l’appropriation contemporaine des symboles anciens. Ainsi, on peut voir une robe de Mariano Fortuny du début du XXe siècle librement inspirée d’un vase crétois de Claude Almodovar et de Michel Vialle. La philosophe remet en question les notions d’ethno- centrisme bien ancré dans no- tre société : notre tendance à croire que notre civilisation est la plus évoluée.

L’histoire des objets

Fait rare, surtout dans un musée, Barbara Cassin met en avant la condition des objets, une fois rentrés dans un insti- tut. La situation diffère pour chaque œuvre d’art. Pour certaines, comme « La Chartité romaine », huile sur toile peinte par Giovanni Giacomo Sementi, le musée re- trace son parcours. D’abord achetée par Louis XIV en 1692, puis conservée au palais du Luxembourg au XVIIIe, elle re- joint le Louvre avant d’être en- voyées au musée de Marseille en 1803. D’autres œuvres ont eu moins de chance et ont été abîmées en cours de route. C’est le cas pour la stèle d’un enfant grec qui a été déterriorée par un musée ayant peint en rouge son numéro d’enregistrement sur l’objet. L’academicienne évoque également les objets restitués à leur pays d’origine. Elle suggère l’emergence de nouveaux modes de constitu- tion du patrimoine. Par exem- ple, un musée qui « se construit au travers d’objets-récits liées à des projets portés par les lo- caux ».

Louisa Destugues

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